41 ! Nous arrivons péniblement à mi parcours de notre route des 4000
Cette photo de la Dent Blanche a été prise en été !
Finalement, le sommet 41 qui devait marquer la mi parcours de notre route des 4000 s'appelle la Dent Blanche, sommet isolé et grandiose situé en face du Cervin, à 4 300 m d'altitude.
Comme ce chiffre est un repère important je vais vous raconter un peu plus en détail notre ascension.
24 heures exactement après notre " heure de gloire" sur TF1, je me retrouve, exténué, à 3400 m d'altitude, sur un glacier sauvage, dans le brouillard, avec l'orage qui commence à gronder. Le contraste est fort ! Combien d'heures d'efforts pour deux minutes de belles images en couleur où tout parait facile et enthousiasmant. Malgré une météo incertaine et surtout de grandes quantités de neige en altitude, nous avons pensé que ce sommet était jouable.
Il est donc 20h20. Un éclair. Je compte les secondes. Trois secondes. La détonation. L'orage est vraiment proche. Le refuge aussi. Malgré la neige lourde et les 1700 m de montée déjà effectués skis au pied j'essaye, sans trop y arriver, de presser le pas. Enfin le refuge; il suffit d'ouvrir une porte et de la refermer pour se couper du monde hostile. Miracle du génie humain qui se paye le luxe de construire des cabanes dans des contrées si sauvages ! A coups de hache nous débitons des planches pour faire fondre de la neige et préparer le repas. Nous sommes seuls dans cet abris confortable, à 3500 m d'altitude. Dehors il neige. Je ne sais plus dans quelle saison nous sommes : l'hiver avec ce mètre de neige fraîche, l'été avec la chaleur accablante du fond de vallée, le printemps avec cette neige molle et lourde ....?
Réveil à 5 heures. Puis dès le départ du refuge un premier combat nous permet de remonter une pente raide de rochers, chargée de neige poudreuse. Nous chaussons les skis pour éviter d'enfoncer et inventons ainsi une nouvelle activité : l'escalade rocheuse ski au pied !
Une heure plus tard nous atteignons la base de la très longue arête qui doit nous mener au sommet. Nous laissons les skis. Loin au dessous de nous, une mer de nuages a déjà envahi la vallée de Zermatt. Seuls les sommets de "4000" émergent de cette masse grisâtre. La plupart de ces sommets nous sont maintenant familiers et nous rappellent les belles journées ensoleillées d'avril...(snif !)
Commence maintenant une très très très très pénible remontée d'arête de neige et rochers où nous enfonçons durement à chaque pas; je pense que les conditions sont pires qu'en plein hiver. J'essaye de contribuer à l'effort de faire la trace mais Michel, plus en forme que moi, se coltine largement plus que la moitié du travail ; voilà comment sont récompensées ses séances d'entraînement !
Nous arrivons au pied de la paroi rocheuse du Grand Gendarme. Michel a effectué une belle longueur en mixte et c'est maintenant à moi de passer en tête. Je tente vers la gauche. La paroi est devenue légèrement surplombante et, au dessus de moi, des rangées de mini stalactites de glace semblent me préparer une attaque en règle ! Malgré le froid, et la neige qui recouvre la roche, je dois retirer mes gants pour sentir les prises. Je trouve le passage difficile. Michel assure ma sécurité mais une chute ici pourrait me faire tout de même un joli bobo. Enfin je découvre un piton caché sous la glace. Accroché par une main à la paroi je libère l'autre pour attraper un mousqueton à mon baudrier. Je me mets à casser la glace avec ce mousqueton, libère l'anneau du piton et peut passer ma corde pour assurer mon passage. Un bon point pour le moral, qui m'aide à rejoindre à nouveau cette interminable arête !
Les nuages ont maintenant complètement envahit notre environnement. Parfois l'horizon se limite à 20 mètres, d'autres fois nous distinguons plus loin ce que nous croyons être le sommet. L'arête de neige présente des corniches dangereuses et nous devons toujours penser, par sécurité, à nous tenir éloignés du bord. Nous nous arrêtons tous les trente pas pour soulager les douleurs dans les jambes et attraper de l'oxygène gratuit dans le ciel gris. Enfin, après 3 ou 4 déceptions pour cause de faux sommet et une dernière arête de neige de 20 cm de large nous nous retrouvons au sommet ( il y avait une croix pour nous le prouver !)
De glissades en rappels sur corde, et de marche harassante en descente à ski tout terrain nous rejoindrons le refuge en trois heures. Une petite sieste et un bon repas nous redonnent du courage pour poursuivre la descente. Nous dévalons 1300 mètres à ski en 20 minutes, droit dans la pente, tellement la neige est lourde. Il pleut.
Sous un rocher nous retrouvons les baskets cachées la veille. Un vrai plaisir de marcher léger, de parcourir des gorges très sauvages avec des roches magnifiquement sculptées. Un vrai plaisir partagé avec Michel de retrouver les premières tâches de verdure, les anémones, les tâches jaunes et violettes, les mélèzes et les mousses. Un vrai plaisir de marcher sur les lits de sable tendre déposé par les torrents glaciaires. Un vrai plaisir de longer le torrent couleur sirop d'orgeat, de retrouver la voiture, de se mettre pieds nus sur l'herbe mouillée si fraîche...
Un vrai plaisir d'avoir réussi ce sommet n°41, comme pour tous les autres auparavant. Nous avons conscience de nous être engagés dans des conditions assez difficiles tout en assurant en permanence notre sécurité et notre lucidité mutuelle.
Retours des nouvelles dépressions avec orage, pluie et vent pour une semaine ....