J17 - Sept sommets de 4000 dans la journée

Nous n'aurons sans doute pas d'autres occasions de gravir 7 sommets en une journée durant notre périple ! D'ailleurs ce matin, en quittant le refuge, nous n'osons pas trop y croire. Pour une fois nous sommes partis dans les premiers; l'enjeu en vaut le coup. Notre rythme est très élevé et tous nos choix tactiques s'avèrent payants; en fait notre itinéraire remonte comme un immense escalier qui nous mène en 5 marches au sommet du Zumsteinspitze . Il est 12h00 quand nous atteignons ce cinquième sommet de la journée. Nous sommes désormais très bien acclimatés à l'atitude et bien entraînés. Je peux apprécier les sensations que je suis venu chercher dans ce projet : être en très grande forme, sur de longues distances, pour profiter à fond des ambiances magiques de la haute altitude; chevaucher le plus légèrement possible de beaux itinéraires sur les plus hauts sommets.

En nous penchant sur l'immense face sud qui marque la suite de notre itinéraire nous déchantons cependant très vite; l'arête de neige et roche que nous comptions gravir s'avère trop dangereuse. Avec nos skis sur les sacs et la fatigue accumulée nous ne voulons pas prendre ce risque. Nous ne pourrons donc pas boucler tous les sommets de ce secteur aujourd'hui. Nous allons devoir descendre dormir dans un refuge puis remonter en altitude demain. Nous sommes bien sûr un peu déçus tout en appréciant de pouvoir objectivement refuser une prise de risque.

En consultant la carte je repère alors une autre possibilité ; perdre 700 d'altitude en descente puis gravir, en crampons, un mur de neige raide de 400 m et tenter ensuite une traversée par un itinéraire rarement parcouru mais assez logique pour notre projet. Arrivés au pied de ce mur, vers 3700 m d'altitude, nous passons 10 minutes "à ne pas prendre de décision". Il est un peu tard, la chaleur est accablante, nous sommes fatigués des 5 premiers sommets, une trace pénible à faire nous attend dans cette pente raide, ...bof !

Mais notre pause est payante. Un jeune compétiteur de ski alpiniste que nous avions déjà croisé le matin ( Baud ?) nous a vu hésiter en bas de cette pente et cela lui a donné l'idée d'un petit supplément d'entrainement avec ses deux compères. Ils font la trace pour nous ! Aussitôt nous faisons nos sacs et les suivons. Après des remerciements chaleureux au sommet du mur nous les quittons pour rejoindre le Silbersattel. De ce col nous pourrons gravir les deux plus haut sommets du massif du Mont Rose...

Je prends un rythme très lent pour gérer mes forces car cette fin de journée s'annonce grosse consommatrice de calories et de mental. Sous des séracs menaçant il faut cependant accélérer un peu. A 15h30 nous sommes au col. A 16h15 nous sommes au sommet du Dufourspitze à plus de 4600 m d'altitude. Nous dévalons les 150 m de paroi de glace de ce sommet le plus vite possible pour revenir au col et remonter en face, vers le dernier et septième sommet de cette folle journée; le Nordend. Il est 17h30. Michel a commencé à redescendre du Nordend vers le col pour retrouver nos skis. Je l'assure avec la corde pour franchir un mur rocheux un peu complexe et je reste donc un instant seul au sommet. Une nouvelle fois je peux pleinement profiter de  ces instants magiques, dans l'altitude du soleil couchant. Mais la haute montagne a déjà commencé à  reprendre son autorité; l'homme n'a rien à faire à cette heure là, à cette altitude ci, à cette saison.

Presque à regrets je quitte cet environnement si généreux en émotions et en sensations. Mille virages plus bas nous sommes au refuge Monterosa Hûtte, où nous passerons la nuit.

18 sommets en 3 jours, s'en est fini pour ce secteur. Repos maison !